Rencontre Ukraine-UE, compte rendu

Publié le par ACROPOLE

 

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UKRAINE : RENCONTRE A PARIS AVEC DES RESPONSABLES DE LA NOUVELLE EQUIPE AU POUVOIR

 

compte rendu :


 conférence à Paris d’acteurs du changement politique à Kiev

 


Le 11 mai, à l’issue d’une rencontre avec les sénateurs français, un groupe de députés ukrainiens du Parti des Régions et de conseillers auprès de la nouvelle équipe au pouvoir à Kiev a échangé sur la situation politique et économique de l’Ukraine après les élections de février dernier.
Cet échange a aussi été l’occasion de décrire quelles sont aujourd’hui en Ukraine les perspectives en matière de redressement économique et de relations internationales.

Dans son introduction au débat avec l’assistance, Dimitri VYDRINE, Vice - Secrétaire Général du Conseil National de Sécurité et de Défense d’Ukraine, a exposé sa vision de la rotation des élites dirigeantes en Ukraine depuis la fin de l’Union Soviétique. 
Selon lui, deux élites politiques se sont succédées de manière cyclique au pouvoir en Ukraine : les tenants de l’idéologie et les tenants de l’économie.
L’élite arrivée au pouvoir dans le sillage du premier Président de l’Ukraine indépendante, Léonid KRAVTCHOUK (1991-94), était focalisée sur les questions idéologiques. L’ignorance des contraintes économiques s’est alors traduite pour l’Ukraine par une moindre compétitivité que dans la plupart des pays d’Europe Centrale du fait de l’insuffisance notoire des réformes économiques.
Le successeur de Léonid KRAVTCHOUK, Léonid KOUTCHMA (1994-2005) s’est lui concentré sur les problèmes économiques au détriment de l’idéologie. Il a favorisé l’accession au pouvoir de l’élite économique. Il a nommé en 1999 Victor YUSCHCHENKO, jusqu’alors patron de la Banque Centrale d’Ukraine, comme Premier Ministre. C’est parce qu’il a voulu ignorer les contraintes idéologiques, que celles-ci ont finalement eu raison de son gouvernement et qu’elles ont amené au pouvoir le tandem Léonid YUSCHCHENKO - Iulia TYMOSHENKO dans la vague de la Révolution Orange.
Ce tandem a rapidement été paralysé entre l’approche très idéologique du Premier Ministre TYMOSHENKO (de janvier à septembre 2005 puis de décembre 2007 à mars 2010) et l’approche plus pragmatique face aux difficultés économiques du Président YUSCHCHENKO.
Si l’on examine la rotation des élites politiques en Ukraine, on observe que le cycle « idéologique » de 4 ou 5 ans est suivi d’un cycle « économique » plus long de l’ordre de 8 ans compte tenu du besoin de remettre à chaque fois  le pays en ordre.
Aujourd’hui, l’ambition du nouveau président Victor YANOUKOVITCH est de casser cette rotation stérile entre élites idéologiques et économiques pour bâtir un consensus politique qui permettrait au pays de résoudre ses difficultés économiques tout en intégrant la composante idéologique jusque là manquante chez les réformateurs. 
Dans ce sens, Victor YANOUKOVITCH a nommé comme Vice - Premier Ministre chargé des affaires économiques, Sergueï TIGIPKO, un banquier arrivé au 3ème rang aux élections présidentielles de 2010 avec un peu plus de 13% des suffrages.  Rappelons que Sergueï TIGIPKO a été décoré par la France de la Légion d’ Honneur pour sa contribution au développement des échanges économiques entre l’Ukraine et la France.
Pour l’instant, la coalition parlementaire qui se développe autour du Parti des Régions avec l’approbation de la Cour Constitutionnelle, va dans le sens de ce consensus. Elle rassemble à ce jour 250 des 450 députés au parlement (Rada).
La situation économique de l’Ukraine est aujourd’hui catastrophique. Des rentrées fiscales deux fois inférieures aux dépenses courantes de l’état démontrent le caractère inquiétant du déficit budgétaire. Ce déficit budgétaire de l’ordre de 10 milliards d’Euros est équivalent au tiers du budget annuel . Selon Dimitri VYDRINE,  en 2009, l’état a dû débourser l’équivalent de 1 milliard d’ Euros au titre de compensation entre le prix du gaz payé par le consommateur ukrainien et celui payé à la Russie.
La politique gazière du tandem YUSCHCHENKO - TYMOSHENKO a tout simplement été désastreuse pour l’industrie ukrainienne dont les exportations reposent essentiellement sur la métallurgie, l’industrie chimique et la production d’engrais, 3 secteurs gourmands en énergie. Avant les élections présidentielles de février 2010, on estime que l’industrie chimique ukrainienne ne fonctionnait plus qu’à 40% de sa capacité.
L’accord gazier conclu entre les présidents MEDVEDEV et YANOUKOVITCH est venu sauver l’industrie ukrainienne de la paralysie.
On doit mentionner que les errements économiques du  précédent gouvernement se sont traduits par l’explosion du nombre des migrants économiques ukrainiens : 3 millions dans les pays de l’ Union Européenne et 1 million en Russie.
Le redressement économique de l’Ukraine est indissociable de la lutte contre une corruption endémique qui s’est installée au cours des dernières années à tous les niveaux de l’état et de l’administration. 
La corruption en parallèle avec de nombreuses interrogations juridiques sur la réalité du droit de la propriété ont progressivement écarté les investisseurs étrangers de l’Ukraine. Ce sera l’une des tâches prioritaires de l’équipe du Président YANOUKOVITCH de restaurer la confiance de ces investisseurs étrangers.
En matière de politique extérieure, le nouveau gouvernement ukrainien souhaite sortir du dilemme : partenariat avec L’ Union Européenne et accessoirement avec l’OTAN ou bien bonnes relations avec la Russie.
Si l’Ukraine souhaite consolider ses bonnes relations avec l’Union Européenne, elle sait également qu’un partenariat économique avec la Russie, surtout en termes d’approvisionnements énergétiques, est incontournable pour son redémarrage économique.
Confrontée à une crise au sein de la zone Euro, l’Union Européenne ne va probablement pas inscrire l’élargissement à de nouveaux membres à l’Est dont l’Ukraine, parmi ses priorités à court terme. 
Si l’on se réfère au listing des actions à réaliser (« To do » List) remis au nouveau gouvernement ukrainien par le Commissaire Européen à l’ élargissement, la barre est encore très haute par rapport à l’état des lieux de la société et de l’économie ukrainienne.
Les rapports entre l’Ukraine et les pays membres de l’Union Européenne se feront donc encore largement au niveau bilatéral. Dans ce sens, le tournant géopolitique de l’amélioration des relations de la Pologne avec la Russie pourrait s’avérer une opportunité pour l’Ukraine comme pont entre ces deux pays.
La question sensible de la Crimée et de la présence de la flotte russe de la Mer Noire pourrait trouver sa solution dans la transformation de la Crimée en une zone économique spéciale bénéficiant d’avantages fiscaux favorables à l’implantation d’entreprises russes et ukrainiennes.
Aujourd’hui, l’Ukraine réconciliée avec la Russie veut aussi positionner la Crimée parmi les principales routes d’exportation pour le gaz russe vers l’Europe Occidentale, notamment avec un projet de stockage de gaz liquéfié, et offrir une alternative fiable au projet North Stream via la Baltique.
Le représentant de l’OCDE à Paris responsable pour la zone Mer Noire - Caucase - Mer Caspienne a exprimé son intérêt pour les initiatives que prendrait l’Ukraine en matière de politique régionale et de coopération économique avec les autres pays riverains de la Mer Noire.
En conclusion de la conférence, même s’il est vraiment difficile d’adhérer au raisonnement de Volodimir OLEINIK, député de la Rada Suprême d’Ukraine et Vice - Président de la Commission des Lois sur la Sécurité, selon qui on ne peut pas s’attendre en seulement 20 ans de vie démocratique que l’Ukraine ait intégré les acquis d’une longue expérience démocratique occidentale, il convient néanmoins d’accepter que la nouvelle équipe politique doit disposer d’un minimum de temps avant de juger les corrections apportées à une situation économique et sociétale particulièrement détériorée. 

Laurent Wyart

Publié dans politique

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